4 avril

Evènement rigolo de J7 : en me brossant les dents dans la salle de bains commune de l’auberge, je croise un Ecossais, qui l’on découvre vit à deux pas de chez moi à Lausanne ! Il est en vacances ici et me demande la raison de ma visite à Athènes. Je lui dis que comme j’ai des vacances scolaires, je suis venue investir un peu de mon temps ici. En rigolant, il me demande si je suis folle de vouloir travailler durant mes vacances. Son commentaire me blesse par son absence d’empathie, et le ventre serré, je lui réponds que s’il prenait le temps de descendre au port, il verrait que je suis loin d’être devenue folle.
A E1, nous avons poursuivi nos dessins et notre peinture sur visage – beaucoup, beaucoup de peinture sur visage. Heureusement, nous n n’avons pas de miroir, ainsi les petits ne peuvent pas voir tout de suite que ce que j’ai fait ne ressemble que vaguement à l’image qu’ils me pointent du doigt sur la brochure.
Le lieu où nous jouions avec les enfants à E1 (cliquer pour vous la vidéo)

Je donne aussi un cours d’allemand à Suhayb, qui cette fois-ci (c’est le deuxième cours) a fait venir un ami à lui qui étudie l’allemand depuis 2 semaines sur internet. Ce dernier a recopié un cahier plein de données et connaît déjà l’équivalent du vocabulaire que j’enseigne en 7P, je suis impressionnée. Durant notre leçon, des journalistes luxembourgeois s’approchent de nous. Ils voudraient pouvoir interviewer mes deux amis. A ma surprise, ces derniers refusent, car, disent-il, ils sont fatigués de parler aux journalistes et que « I don’t want to be famous ». Les journalistes comprennent, et nous informent qu’aucun réfugié jusqu’à présent ne souhaite faire d’interview avec eux.
Tamman m’ayant appris que sa mère est coiffeuse, je lui demande si c’est possible qu’elle me couple les pointes. Je n’ai absolument pas envie de raccourcir mes cheveux, mais je suis d’accord de sacrifier quelques petits centimètres pour passer du temps avec cette dame et lui permettre de se sentir utile. Nous nous mettons debout, au bord de l’eau. Je la munis du ciseau à couper le papier des enfants, et c’est parti. Toute la famille est présente et observe joyeusement. La maman a l’air ravie. Je lui ferai un petit cadeau sous forme de maquillage aujourd’hui pour la remercier. Même si elle n’en fait visiblement pas partie, beaucoup de femmes en manquent et j’ai déjà vu des mines très déçues lorsque j’ai répondu que je n’en avais pas.

Le soir, je me rends de nouveau à E2 pour aider avec la distribution de nourriture. Il y a un nouveau groupe de 6 jeunes Suisses qui viennent d’arriver. Nous sommes là en force ! Cette fois-ci, c’est compliqué. A peu près 600 personnes sont parties avant-hier avec les bus vers des camps officiels. Cependant, l’armée livre toujours autant de nourriture à notre stand sur le parking de E2. Nous déchargeons tout cela et nous nous retrouvons avec une immense quantité, la moitié constituée de paquets de haricots en sauce, l’autre de patates aux herbes. Nous ne savons que faire. La volontaire la plus ancienne ce soir-là, âgée de 22 ans et sur place depuis une semaine, décide de distribuer d’abord les beans pour éviter les plaintes en fin de file, puisqu’il ne serait probablement plus resté de patates pour les derniers. Nous faisons ainsi, en essayant de cacher un peu les cageots de pommes-de-terres à nos pieds. Evidemment, sur la fin, les réfugiés se rendent compte qu’il y a aussi des pommes-de-terres et refusent de prendre les beans, si bien que nous nous retrouvons dans la situation ridicule de devoir dire « No potatoes » alors qu’elles sont visibles… Cela énerve les gens et le ton monte un peu, mais ils finissent par prendre les beans, l’air un peu dégoûtés. Nous ramenons ensuite tout le surplus à la cuisine, à nouveau pour ne pas faire de jaloux, et nous nous empiffrons de patates qui… ne passent pas très bien finalement.

Je passe la fin de la soirée comme celle d’hier à la distribution d’articles d’urgence. Notre petit espace ouvert se trouve en plein milieu du hangar où dorment les familles et personnes vulnérables. A mesure que l’heure avance, nous sentons que les gens se fatiguent. Ils n’arrivent pas à dormir et deviennent agités et nerveux. Ils prennent beaucoup moins bien des refus comme « No, no sugar » ou « No, no tchai ». Mon collègue pointe du doigt le fait que les lumières pleinement allumées n’aident pas, car cela n’est pas propice au calme ni au repos. Plusieurs volontaires cherchent les interrupteurs dans tout le bâtiment mais ne trouvent rien. Peut-être sont-ils dans les toilettes des femmes, se dit l’un d’entre eux. Je suis la seule à pouvoir m’y rendre étant la seule femme. Par chance, c’est bien ici, et je ressens un sacré sentiment de satisfaction au moment où je parviens baisser la lumière sur le hangar, avant de partir prendre le dernier métro.

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Hangar E2, ancien hall d'attente pour les touristes à présent utilisé pour loger les familles et personnes vulnérables


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