Notre
dernier jour au camp a démarré avec l’atelier des « Little squirrels »,
c’est-à-dire les enfants de moins de 6 ans. Nous avons commencé par récurer une
zone de la grande tente afin qu’elle soit suffisamment propre pour y poser des
tapis (qui eux n’ont pas été lavés de mémoire de volontaire). Une fois les
tapis posés, nous mettons de la musique et nous allons à la recherche
d’enfants, qui finissent par nous suivre à travers le camp. Lorsque nous avons
réuni un groupe d’une quinzaine d’enfants, nous retournons vers la tente et
enlevons nos chaussures avant de commencer. C’est là que nous nous rendons
compte que la plupart des enfants n’ont pas de chaussettes, alors qu’il fait une
douzaine de degrés avec de la bise… pas top notre plan. La volontaire en charge
de l’atelier débute alors avec une histoire en anglais en montrant le livre
plein d’images. Deux enfants plus grands viennent se blottir contre moi en me
disant qu’elles ont froid. Les petits suivent avec attention l’histoire du jour, où l’on doit faire ensemble le bruit
des animaux, et je suis tellement heureuse de les voir en confiance dans cette
bulle enfantine. J’ai l’impression que nous avons réussi à leur rendre l’espace
de quelques heures leur monde fait de jeu, d’imagination et d’insouciance. Nous
continuons avec une chanson, puis nous jouons et dessinons avec eux encore deux
heures. Cela ne cesse de nous frapper à quel point les enfants ici ont tant
besoin d’attention. Dans tous les cas,
beaucoup d’enfants dès l’âge de deux ans se baladent seuls dans le camp, et
nous en connaissions même un qui du haut de ses 4 ans conduisait sans
surveillance la poussette de sa sœur âgée d’un an.
Je participe
ensuite à la fin de l’atelier de « Women’s self expression », qui a
pour but d’offrir un espace de paroles pour les femmes et est ouvert aux
résidentes comme aux volontaires. Il a aussi lieu dans la tente et nous n’avons
pas chaud. Heureusement, il y a du thé pour nous réchauffer. Au moment où j’arrive,
il y a deux résidentes, dont une adorable jeune fille de 17 ans qui sait
traduire anglais-farsi, et cinq volontaires. Il y a des sessions qui marchent
mieux que d’autres, parait-il. Il faut préciser que ce jour-là était férié en
Grèce (on commémorait le refus de la Grèce de se joindre aux forces de l’Axe en
1940, ce qui propulsa le pays dans la 2e guerre mondiale). En
conséquence, les enfants ne sont pas allés à l’école et les mères étaient
occupées avec eux. L’amitié entre volontaires et résidentes avait été le
premier sujet lancé au début de l’atelier. Il avait notamment été question d’une
volontaire qui parlait de sa gêne de donner son adresse Facebook à une
résidente avec laquelle elle s’était lié d’amitié, puisqu’elle se sentait mal à
l’aise de montrer à travers ses photos le confort dans lequel elle vivait. A
mon arrivée, la discussion tournait autour des besoins des résidentes et des
aspects du camp qui pourraient être améliorés. La résidente la plus âgée évoque
alors le besoin d’avoir des cours d’anglais. Sarah, l’écrivaine soixantenaire
hippie qui animait l’atelier (et à laquelle je porte beaucoup d’admiration,
puisqu’elle a quand même préalablement fait du volontariat 7 mois sous tente à
Lesvos) lui indique qu’il existe certains cours d’anglais. Cependant, ceux
proches du camp sont tous pleins et dispensés en ville par les centres
communautaires sont inaccessibles car il faudrait avoir l’argent pour le billet
de métro. La native du Kentucky répond alors que Project Elea a conscience de
ce manque et qu’ils voulaient implémenter des cours eux-mêmes. Malheureusement,
le ministère a refusé en raison du fait qu’ils insistent que tout soit fait en
règle et qu’ils ne veulent que des enseignants professionnels pour dispenser
des cours. Néanmoins, confie Sarah, ils ont le projet d’ouvrir une bibliothèque
qui servirait aussi de centre de formation et ils ne comptent plus cette fois
demander d’autorisation. Elle ne peut juste pas dire quand ce sera, puisqu’ils
n’ont pas encore les fonds. C’est là que j’interviens pour dire le cœur ému que…
grâce à nos amis en Suisse, nous avons presque récolté les fonds nécessaires et
qu’ils les recevront la semaine suivante ! C’est assez incroyable d’avoir
l’impression d’arriver avec une baguette magique qui changera si concrètement
le quotidien et peut-être l’avenir d’une bonne quantité de gens. Je dois avouer
que je me sentais honorée à ce moment-là de pouvoir porter la générosité de
tous mes amis jusqu’aux migrants. Continuez vos dons, il ne me reste plus que 500chf à récolter !!
Catherine Rime
Rue du Midi 13
1003 Lausanne
CP: 17-446820-9
Rue du Midi 13
1003 Lausanne
CP: 17-446820-9
J’ai
poursuivi en rejoignant Alice et Rebecca pour un atelier de tresses sur cheveux
et de bracelets brésiliens. C’était vraiment un super moment avec les enfants,
pour une fois remplis de calme. Ils étaient une douzaine, tous crochés à leur
activité. J’ai même eu le bonheur (et un peu de fierté, j’avoue) à voir un enfant
de 4-5 ans se débrouiller avec son propre bracelet. Il est venu me demander
comment faire et j’ai hésité à lui proposer une autre activité car je le
croyais trop petit, mais après lui avoir longuement expliqué et montré les
gestes, il réussissait bel et bien tout seul ! Ce n’est pas facile de
trouver des activités constructives à faire avec les enfants lorsqu’on a à la
fois peu de moyens financiers, mais aussi langagiers. Pour cette raison, on
tombe parfois dans des travers comme la distribution de stickers, qui les rend
excités et dont ils se désintéressent immédiatement. Je félicite donc mes amies
Emilie, Rebecca et Alice qui sont arrivées avec des super idées, en s’assurant
avant de partir que les grandes filles de 12 ans avaient compris les gestes pour
pouvoir continuer de les expliquer aux autres après notre départ.
Par hasard,
ce jour-là était organisé une rencontre où Project Elea proposait à chacun (mais
surtout aux volontaires évidemment) d’amener de la nourriture de son pays. Emilie
avait gentiment pris le temps de faire des spätzli au fromage qui s’est ajouté
aux plaques de chocolat apportés par Alice. L’événement a fait un tabac !
Nous avons posé une vingtaine de plats internationaux sur des tables à l’extérieur
et mis des assiettes et services à disposition. La table fut immédiatement
remplie, non sans une certaine cohue, mais aussi avec beaucoup de curiosité et
de bonheur. Il faut cependant que je sois honnête en avouant que nos spätzli n’ont
eu du succès qu’auprès des enfants, la plupart des femmes se refusant même à
goûter en voyant leur aspect ! Durant ce « repas », j’ai aussi
recroisé l’homme qui nous avait apporté du thé sous la pluie le premier jour.
Il a de très longs cheveux et je lui ai fait la remarque qu’il ressemblait à un
artiste. Il m’a répondu que c’était en effet le cas, puisqu’il tournait
auparavant dans des films au Pakistan… Nous sommes maintenant amis sur Facebook
et lorsque je le vois sur une photo datant de l’hiver passé bien vêtu devant un
sapin de Noël (il est chrétien), je me dis qu’on ne quitte pas tout ça pour rien et que la
situation devait vraiment être insoutenable.
C’est après
ce super moment de partage que nous commençâmes nos au revoirs. Ce n’est pas un
moment facile évidemment. Nous n’avons pas réussi à retrouver la moitié des
enfants que nous avons vus pour les saluer. Même pas Rayan… Nous aurons tout
simplement disparu pour eux. Ce départ inexpliqué alimentera probablement malgré
nous au sentiment d’instabilité auquel ils sont déjà accoutumés. Rien de plus à
dire sur les adieux. L’absurdité de pouvoir s’en aller, remonter dans notre
avion et rentrer chez nous alors que d’autres ont vu leur monde détruit et
doivent continuer de souffrir… Je ne trouve pour l’instant pas plus de mots.
Dernier départ |
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