30 octobre

Notre dernier jour au camp a démarré avec l’atelier des « Little squirrels », c’est-à-dire les enfants de moins de 6 ans. Nous avons commencé par récurer une zone de la grande tente afin qu’elle soit suffisamment propre pour y poser des tapis (qui eux n’ont pas été lavés de mémoire de volontaire). Une fois les tapis posés, nous mettons de la musique et nous allons à la recherche d’enfants, qui finissent par nous suivre à travers le camp. Lorsque nous avons réuni un groupe d’une quinzaine d’enfants, nous retournons vers la tente et enlevons nos chaussures avant de commencer. C’est là que nous nous rendons compte que la plupart des enfants n’ont pas de chaussettes, alors qu’il fait une douzaine de degrés avec de la bise… pas top notre plan. La volontaire en charge de l’atelier débute alors avec une histoire en anglais en montrant le livre plein d’images. Deux enfants plus grands viennent se blottir contre moi en me disant qu’elles ont froid. Les petits suivent avec attention l’histoire  du jour, où l’on doit faire ensemble le bruit des animaux, et je suis tellement heureuse de les voir en confiance dans cette bulle enfantine. J’ai l’impression que nous avons réussi à leur rendre l’espace de quelques heures leur monde fait de jeu, d’imagination et d’insouciance. Nous continuons avec une chanson, puis nous jouons et dessinons avec eux encore deux heures. Cela ne cesse de nous frapper à quel point les enfants ici ont tant besoin d’attention. Dans tous les cas, beaucoup d’enfants dès l’âge de deux ans se baladent seuls dans le camp, et nous en connaissions même un qui du haut de ses 4 ans conduisait sans surveillance la poussette de sa sœur âgée d’un an.
 
Allée entre les portes à cabines
Je participe ensuite à la fin de l’atelier de « Women’s self expression », qui a pour but d’offrir un espace de paroles pour les femmes et est ouvert aux résidentes comme aux volontaires. Il a aussi lieu dans la tente et nous n’avons pas chaud. Heureusement, il y a du thé pour nous réchauffer. Au moment où j’arrive, il y a deux résidentes, dont une adorable jeune fille de 17 ans qui sait traduire anglais-farsi, et cinq volontaires. Il y a des sessions qui marchent mieux que d’autres, parait-il. Il faut préciser que ce jour-là était férié en Grèce (on commémorait le refus de la Grèce de se joindre aux forces de l’Axe en 1940, ce qui propulsa le pays dans la 2e guerre mondiale). En conséquence, les enfants ne sont pas allés à l’école et les mères étaient occupées avec eux. L’amitié entre volontaires et résidentes avait été le premier sujet lancé au début de l’atelier. Il avait notamment été question d’une volontaire qui parlait de sa gêne de donner son adresse Facebook à une résidente avec laquelle elle s’était lié d’amitié, puisqu’elle se sentait mal à l’aise de montrer à travers ses photos le confort dans lequel elle vivait. A mon arrivée, la discussion tournait autour des besoins des résidentes et des aspects du camp qui pourraient être améliorés. La résidente la plus âgée évoque alors le besoin d’avoir des cours d’anglais. Sarah, l’écrivaine soixantenaire hippie qui animait l’atelier (et à laquelle je porte beaucoup d’admiration, puisqu’elle a quand même préalablement fait du volontariat 7 mois sous tente à Lesvos) lui indique qu’il existe certains cours d’anglais. Cependant, ceux proches du camp sont tous pleins et dispensés en ville par les centres communautaires sont inaccessibles car il faudrait avoir l’argent pour le billet de métro. La native du Kentucky répond alors que Project Elea a conscience de ce manque et qu’ils voulaient implémenter des cours eux-mêmes. Malheureusement, le ministère a refusé en raison du fait qu’ils insistent que tout soit fait en règle et qu’ils ne veulent que des enseignants professionnels pour dispenser des cours. Néanmoins, confie Sarah, ils ont le projet d’ouvrir une bibliothèque qui servirait aussi de centre de formation et ils ne comptent plus cette fois demander d’autorisation. Elle ne peut juste pas dire quand ce sera, puisqu’ils n’ont pas encore les fonds. C’est là que j’interviens pour dire le cœur ému que… grâce à nos amis en Suisse, nous avons presque récolté les fonds nécessaires et qu’ils les recevront la semaine suivante ! C’est assez incroyable d’avoir l’impression d’arriver avec une baguette magique qui changera si concrètement le quotidien et peut-être l’avenir d’une bonne quantité de gens. Je dois avouer que je me sentais honorée à ce moment-là de pouvoir porter la générosité de tous mes amis jusqu’aux migrants. Continuez vos dons, il ne me reste plus que 500chf à récolter !! 

Catherine Rime
Rue du Midi 13
1003 Lausanne
CP: 17-446820-9
 
Le petit qui sait faire des bracelets tout seul
J’ai poursuivi en rejoignant Alice et Rebecca pour un atelier de tresses sur cheveux et de bracelets brésiliens. C’était vraiment un super moment avec les enfants, pour une fois remplis de calme. Ils étaient une douzaine, tous crochés à leur activité. J’ai même eu le bonheur (et un peu de fierté, j’avoue) à voir un enfant de 4-5 ans se débrouiller avec son propre bracelet. Il est venu me demander comment faire et j’ai hésité à lui proposer une autre activité car je le croyais trop petit, mais après lui avoir longuement expliqué et montré les gestes, il réussissait bel et bien tout seul ! Ce n’est pas facile de trouver des activités constructives à faire avec les enfants lorsqu’on a à la fois peu de moyens financiers, mais aussi langagiers. Pour cette raison, on tombe parfois dans des travers comme la distribution de stickers, qui les rend excités et dont ils se désintéressent immédiatement. Je félicite donc mes amies Emilie, Rebecca et Alice qui sont arrivées avec des super idées, en s’assurant avant de partir que les grandes filles de 12 ans avaient compris les gestes pour pouvoir continuer de les expliquer aux autres après notre départ.

Par hasard, ce jour-là était organisé une rencontre où Project Elea proposait à chacun (mais surtout aux volontaires évidemment) d’amener de la nourriture de son pays. Emilie avait gentiment pris le temps de faire des spätzli au fromage qui s’est ajouté aux plaques de chocolat apportés par Alice. L’événement a fait un tabac ! Nous avons posé une vingtaine de plats internationaux sur des tables à l’extérieur et mis des assiettes et services à disposition. La table fut immédiatement remplie, non sans une certaine cohue, mais aussi avec beaucoup de curiosité et de bonheur. Il faut cependant que je sois honnête en avouant que nos spätzli n’ont eu du succès qu’auprès des enfants, la plupart des femmes se refusant même à goûter en voyant leur aspect ! Durant ce « repas », j’ai aussi recroisé l’homme qui nous avait apporté du thé sous la pluie le premier jour. Il a de très longs cheveux et je lui ai fait la remarque qu’il ressemblait à un artiste. Il m’a répondu que c’était en effet le cas, puisqu’il tournait auparavant dans des films au Pakistan… Nous sommes maintenant amis sur Facebook et lorsque je le vois sur une photo datant de l’hiver passé bien vêtu devant un sapin de Noël (il est chrétien), je me dis qu’on ne quitte pas tout ça pour rien et que la situation devait vraiment être insoutenable.
 
Christophe, acteur pakistanais

C’est après ce super moment de partage que nous commençâmes nos au revoirs. Ce n’est pas un moment facile évidemment. Nous n’avons pas réussi à retrouver la moitié des enfants que nous avons vus pour les saluer. Même pas Rayan… Nous aurons tout simplement disparu pour eux. Ce départ inexpliqué alimentera probablement malgré nous au sentiment d’instabilité auquel ils sont déjà accoutumés. Rien de plus à dire sur les adieux. L’absurdité de pouvoir s’en aller, remonter dans notre avion et rentrer chez nous alors que d’autres ont vu leur monde détruit et doivent continuer de souffrir… Je ne trouve pour l’instant pas plus de mots.

Dernier départ

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire