28 octobre

Lors de la journée suivante, j’ai à nouveau participé au triage des vêtements. C’est vraiment le poste le moins facile. Accepter certaines attitudes des résidents qui nous paraissent inadaptées est une chose, mais devoir dire à un enfant qu’on n’a pas de veste ni chaussures chaudes pour lui alors que moi-même je porte ces articles est tout autre chose. Je sais qu’il ne mourra pas de froid, car les migrants ont d’autres ressources telles que d’autres points de distribution de vêtements dans la ville, ou alors la possibilité d’acheter des vêtements de seconde main chez Caritas. Néanmoins, cela fait vraiment mal au cœur lorsqu’en allant chercher dans la boîte à chaussure en taille 36, on n’ose pas proposer les 2 paires qui sont là tant elles sont en mauvais état. On se rend compte à quel point les migrants peuvent se sentir humiliés, et que leur sécurité (parfois temporaire) s’obtient parfois au prix de leur dignité.
 
Espace communautaire

L'autre espace communautaire où a lieu la zumba

J’ai poursuivi avec un atelier de tressage de fils de couleur dans les cheveux, que mon amie Emilie m’a appris à faire, avant de faire « garde » pour l’atelier de zumba. En effet, ce cours ouvert aux femmes et aux grandes filles a lieu dans une grande tente. Deux cloisons ont été posées pour diviser ce grand espace, ainsi l’atelier a lieu dans un espace clos, dont le but est de créer une zone protégée où les femmes peuvent danser sans le regard des autres et aussi enlever leur voile, qui leur tient parfois trop chaud. Malheureusement, cet espace est presque impossible à maintenir fermé, puisqu’il beaucoup trop facile pour les enfants de se faufiler sous les bâches de la tente ou de grimper par-dessus les cloisons. Ils prennent naturellement un malin plaisir à déjouer l’attention des deux « gardes », si bien que l’atelier est continuellement dérangé par des enfants qui rentrent et sortent en courant de leur espace.
 
Atelier de tressage




Le soir, nous sommes invités à manger dans l’appartement de Mahmoud, là où vit aussi Suhaib. Nous achetons un plateau de baklavas pour le dessert qui coûte 17 euros, la même somme que Mahmoud reçoit pour se nourrir pendant une semaine. Les deux autres colocataires irakiens sont présents, ainsi qu’une jeune australienne qui enseigne l’anglais au centre communautaire où Suhaib donne des cours. Il y a une super ambiance d’échange et d’ouverture ce soir-là, et Suhaib est aux anges. Il veut absolument me montrer sur son ordinateur des photos qu’il avait lors de ma semaine au Pirée. Cela me fait autant chaud au cœur que lui de voir les photos du chocolat que je lui avais offert, de nous deux entourés d’enfants ou alors de moi les bras ouverts pour lui faire un câlin virtuel au moment de mon départ, puisqu’il se refusait encore de toucher des femmes à l’époque. Nous rions de différences culturelles, nous nous intéressons à sa manière de vivre la religion et nous parlons aussi de droits de passage, des histoires de migration de chacun. L’un des irakiens part en Irlande le lendemain, ce qui fait l’envie des autres. Cependant, nous sommes étonnés de voir qu’il n’a plus du tout envie d’y aller et qu’il préfèrerait rentrer en Irak. Comme la barrière de langues est grande, nous ne parvenons pas à comprendre pourquoi « Ireland no good ». Le dernier colocataire a vécu 4 ans à Milan, puis 7 ans en Suède, où il a travaillé. Il est ensuite rentré en Irak pour enterrer son père mais n’a pas pu rentrer dans l’UE depuis. C’est ainsi qu’à présent il doit recommencer tout le processus de demande d’asile.
 
Repas aveec Suhaib et ses amis
Nous mangeons de délicieuses pommes-de-terre grillées au four avec des tomates et des oignons, accompagné de ris au petits pois, de pain et de coca. Nos hôtes partagent ensuite avec nous une shisha qui a le bon goût de la chaleur humaine avant d’échanger des au revoirs un peu émus. Une fois de plus, c’est moi qui pars tandis que lui est toujours prisonnier des conséquences de la politique mondiale.


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