Il est très
vrai que la misère est moins pénible au soleil… Le deuxième jour, l’arrivée
vers le camp fut toute différente. Le soleil était sorti, et depuis la sortie
du métro, le chemin qui était hier plus que morose s’était transformé en
marché, envahi de « stands » de vêtements, de kebabs, de chaussures,
de couvertures et d’autres objets utiles, le plus souvent étalés sur des draps.
Toute cette animation symbolisait pour moi qu’au milieu de ce terrain vague,
des brins de vie avait réussi à poussé. L’un de mes amis a pourtant aussi
observé que beaucoup de Grecs faisaient aussi leur marché parmi ces objets
récupérés.
Durant cette
deuxième journée, j’ai participé à nouveau à l’atelier avec les petits enfants.
Nous les avons fait dessiner et jouer avec des legos. Par la suite, j’ai suivi
une autre volontaire qui avait eu l’idée de peindre une fresque sur un des murs
de béton enserrant le camp. Elle voulait d’abord peindre un fond de montagnes
et de ciel bleu sur lequel les enfants viendraient peindre des bonhommes, des
animaux, etc. Si l’idée était bonne, la réalisation l’était beaucoup moins. Une
fois que le décor était terminé, nous avons essayé de trouver des enfants qui
voulaient dessiner. Nous nous sommes retrouvés avec 6-7 petits de 5 à 10 ans.
La personne en charge voulait les faire dessiner sur du papier d’abord, puis
scotcher le papier sur la fresque pour qu’il puisse repeindre la même forme à
côté. Pour commencer, nous n’avons eu qu’un dessin d’enfant qui ressemblait
assez à quelque chose pour qu’il puisse être recopié. Nous l’avons scotché sur
la fresque avec d’autres dessins faits par les volontaires. Evidemment, les
enfants n’ont pas du tout compris qu’il s’agissait de copier les dessins,
puisque nous n’avions pas de traducteur. Dès le moment où ils ont eu un pinceau
dans la main, ils se sont mis à colorier la fresque allègrement, si bien que
cela ressemble maintenant à un paysage taggé. Cette activité est
malheureusement représentative de plusieurs des animations mis en place par
Project Elea. En effet, le problème est qu’il ne suffit pas toujours de bonne
volonté pour exécuter une idée. Dans ce camp, il y a à peu près suffisamment de
volontaires, mais tout le monde n’a pas des talents de leadership, de
traducteur, de formation pour travailler avec des enfants ou de sens de l’organisation.
De plus, les volontaires viennent et partent régulièrement, si bien que même s’il
y a des bras en suffisance, ce n’est pas facile de construire des choses dans
la durée qui fonctionnent – ce qui provoque chez plusieurs d’entre nous un
certain sentiment de frustration.
Alors que j’étais
partie à la recherche d’enfants pour participer à l’atelier, je tombe sur le
petit Abdul* (nom d’emprunt) qui me demande de l’aider à comprendre des
instructions pour un jeu. Il veut absolument que j’entre dans sa « maison ».
Comme la maman est là et qu’elle semble ravie, je me permets d’accepter l’invitation.
On me fait du thé, j’explique à Abdul qui a 12 ans les règles du jeu. Nous
papotons de sa rentrée scolaire. Il est super fier de me montrer son sac d’école
et son beau cahier de notes. Il fait le traducteur pour sa mère qui explique que
la famille qui vivait avec eux a eu beaucoup de chance car ils sont partis la
semaine dernière pour la Suisse, et qu’eux-mêmes doivent partir en Espagne. Ils
me demandent si l’Espagne est un « good country », ce à quoi je
réponds naturellement que oui. La mère me demande alors d’écrire la traduction
anglais-espagnol d’une série de mots. Un autre volontaire leur a déjà donné les
chiffres et les présentations. A présent, la mère voudrait savoir le nom des
membres de la famille, puis les jours de la semaine et les mois – cela fait
ressortir la notion du temps, du temps d’attente, des conversations avec les
asylum offices auxquels les migrants demandent les dates des prochaines étapes,
questions qui resteront le plus souvent sans réponse fixe. Je repars de chez
Abdul avec le quart de sa collection de billes, qu’il veut absolument me
donner, deux stylos, un bracelet qu’il a fabriqué et une invitation à venir
manger chez eux cette semaine.
Le soir,
nous servons à nouveau le repas du soir. C’est beaucoup plus facile à gérer
cette fois-ci puisqu’il n’y a pas de lait et que le plat est constitué de riz
aux poreaux, donc sans viande. Pour cette raison, il n’y a qu’une moitié des
familles qui prend le plat. Les autres viennent surtout pour le jus, les
pommes, le petit pain sous vide et parfois le pain pita. Le problème est que si
nous commandons moins de plats, il y aura certains soirs où tout le monde n’en
aura pas, comme lors de notre premier shift. A la fin de la soirée, nous devons
jeter les plats restants dans les bennes. 857 moins 1, puisque l’une d’entre
nous a tenu à sauver au moins un des plats en le mangeant.
Le
lendemain, les effets de notre premier jour sous la pluie les pieds dans l’eau
se font ressentir. Je suis malade et je décide de laisser mes 4 amis aller au
camp sans moi. Je profite de la journée pour écrire, et surtout je reçois des
nouvelles de mon ami Suhaib, un ingénieur irakien de 26 ans rencontré au Pirée.
Il est de retour à Athènes, alors nous prenons tout de suite rendez-vous pour
nous voir le lendemain.
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