26 octobre

Il est très vrai que la misère est moins pénible au soleil… Le deuxième jour, l’arrivée vers le camp fut toute différente. Le soleil était sorti, et depuis la sortie du métro, le chemin qui était hier plus que morose s’était transformé en marché, envahi de « stands » de vêtements, de kebabs, de chaussures, de couvertures et d’autres objets utiles, le plus souvent étalés sur des draps. Toute cette animation symbolisait pour moi qu’au milieu de ce terrain vague, des brins de vie avait réussi à poussé. L’un de mes amis a pourtant aussi observé que beaucoup de Grecs faisaient aussi leur marché parmi ces objets récupérés.
 
Le marché du dimache



Durant cette deuxième journée, j’ai participé à nouveau à l’atelier avec les petits enfants. Nous les avons fait dessiner et jouer avec des legos. Par la suite, j’ai suivi une autre volontaire qui avait eu l’idée de peindre une fresque sur un des murs de béton enserrant le camp. Elle voulait d’abord peindre un fond de montagnes et de ciel bleu sur lequel les enfants viendraient peindre des bonhommes, des animaux, etc. Si l’idée était bonne, la réalisation l’était beaucoup moins. Une fois que le décor était terminé, nous avons essayé de trouver des enfants qui voulaient dessiner. Nous nous sommes retrouvés avec 6-7 petits de 5 à 10 ans. La personne en charge voulait les faire dessiner sur du papier d’abord, puis scotcher le papier sur la fresque pour qu’il puisse repeindre la même forme à côté. Pour commencer, nous n’avons eu qu’un dessin d’enfant qui ressemblait assez à quelque chose pour qu’il puisse être recopié. Nous l’avons scotché sur la fresque avec d’autres dessins faits par les volontaires. Evidemment, les enfants n’ont pas du tout compris qu’il s’agissait de copier les dessins, puisque nous n’avions pas de traducteur. Dès le moment où ils ont eu un pinceau dans la main, ils se sont mis à colorier la fresque allègrement, si bien que cela ressemble maintenant à un paysage taggé. Cette activité est malheureusement représentative de plusieurs des animations mis en place par Project Elea. En effet, le problème est qu’il ne suffit pas toujours de bonne volonté pour exécuter une idée. Dans ce camp, il y a à peu près suffisamment de volontaires, mais tout le monde n’a pas des talents de leadership, de traducteur, de formation pour travailler avec des enfants ou de sens de l’organisation. De plus, les volontaires viennent et partent régulièrement, si bien que même s’il y a des bras en suffisance, ce n’est pas facile de construire des choses dans la durée qui fonctionnent – ce qui provoque chez plusieurs d’entre nous un certain sentiment de frustration.
 
Décors de la fresque
Alors que j’étais partie à la recherche d’enfants pour participer à l’atelier, je tombe sur le petit Abdul* (nom d’emprunt) qui me demande de l’aider à comprendre des instructions pour un jeu. Il veut absolument que j’entre dans sa « maison ». Comme la maman est là et qu’elle semble ravie, je me permets d’accepter l’invitation. On me fait du thé, j’explique à Abdul qui a 12 ans les règles du jeu. Nous papotons de sa rentrée scolaire. Il est super fier de me montrer son sac d’école et son beau cahier de notes. Il fait le traducteur pour sa mère qui explique que la famille qui vivait avec eux a eu beaucoup de chance car ils sont partis la semaine dernière pour la Suisse, et qu’eux-mêmes doivent partir en Espagne. Ils me demandent si l’Espagne est un « good country », ce à quoi je réponds naturellement que oui. La mère me demande alors d’écrire la traduction anglais-espagnol d’une série de mots. Un autre volontaire leur a déjà donné les chiffres et les présentations. A présent, la mère voudrait savoir le nom des membres de la famille, puis les jours de la semaine et les mois – cela fait ressortir la notion du temps, du temps d’attente, des conversations avec les asylum offices auxquels les migrants demandent les dates des prochaines étapes, questions qui resteront le plus souvent sans réponse fixe. Je repars de chez Abdul avec le quart de sa collection de billes, qu’il veut absolument me donner, deux stylos, un bracelet qu’il a fabriqué et une invitation à venir manger chez eux cette semaine.

Le soir, nous servons à nouveau le repas du soir. C’est beaucoup plus facile à gérer cette fois-ci puisqu’il n’y a pas de lait et que le plat est constitué de riz aux poreaux, donc sans viande. Pour cette raison, il n’y a qu’une moitié des familles qui prend le plat. Les autres viennent surtout pour le jus, les pommes, le petit pain sous vide et parfois le pain pita. Le problème est que si nous commandons moins de plats, il y aura certains soirs où tout le monde n’en aura pas, comme lors de notre premier shift. A la fin de la soirée, nous devons jeter les plats restants dans les bennes. 857 moins 1, puisque l’une d’entre nous a tenu à sauver au moins un des plats en le mangeant.
 
La nourriture jetée du repas du soir

Le lendemain, les effets de notre premier jour sous la pluie les pieds dans l’eau se font ressentir. Je suis malade et je décide de laisser mes 4 amis aller au camp sans moi. Je profite de la journée pour écrire, et surtout je reçois des nouvelles de mon ami Suhaib, un ingénieur irakien de 26 ans rencontré au Pirée. Il est de retour à Athènes, alors nous prenons tout de suite rendez-vous pour nous voir le lendemain. 

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